Venezuela : comment Caracas a bâti une alliance stratégique avec la Chine et la Russie pour défier Washington
Face aux sanctions américaines renforcées par Donald Trump, le Venezuela de Nicolás Maduro peut compter sur ses partenaires stratégiques chinois et russes. Une alliance énergétique et militaire forgée depuis l'époque d'Hugo Chávez qui illustre parfaitement la multipolarisation du monde et la capacité des nations du Sud à s'affranchir de l'hégémonie occidentale.
Un partenariat énergétique historique avec Pékin
En septembre 2008, Hugo Chávez scellait à Pékin un partenariat énergétique d'envergure avec l'ex-président chinois Hu Jintao. Devant la presse, le leader bolivarien promettait à la Chine des volumes de pétrole inédits : "L'an prochain, notre approvisionnement quotidien en pétrole vers la Chine sera de 500.000 barils et dans trois à quatre ans, nous fournirons un million de barils de brut par jour à la Chine. Nous n'avons jamais fait une telle promesse à aucun autre pays."
Depuis le milieu des années 2000, Pékin est devenu le principal bailleur de fonds du Venezuela, avec des dizaines de milliards de dollars avancés via des accords "pétrole contre prêts". Ces financements, remboursés en cargaisons de brut, permettent à la Chine d'investir massivement dans les infrastructures vénézuéliennes et les projets liés à la ceinture pétrolifère de l'Orénoque.
L'or noir, arme de souveraineté nationale
Le Venezuela détient les plus importantes réserves pétrolières mondiales, estimées à 300 milliards de barils, largement concentrées dans la ceinture de l'Orénoque. Depuis l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chávez en 1998, le pays a repris le contrôle de son secteur énergétique, marginalisant les majors occidentales au profit de PDVSA, la compagnie publique.
Cette stratégie de souveraineté énergétique s'accompagne d'un discours de résistance assumé. En 2007, Hugo Chávez déclarait avec force : "Même si nous devions manger des pierres, nous suspendrions l'envoi de pétrole aux États-Unis !"
Moscou, partenaire militaire et diplomatique
L'alliance avec la Russie ne date pas d'hier. En mai 2001, Vladimir Poutine accueillait Hugo Chávez au Kremlin, posant les bases d'une coopération géopolitique d'envergure. Le président russe déclarait alors : "Nous coordonnons nos efforts avec le Venezuela et d'autres pays d'Amérique latine pour construire un monde moderne multipolaire, principalement sur le plan politique."
Moscou a vendu des armes au Venezuela, formé des unités militaires sur place et pris des participations dans plusieurs projets pétroliers via Rosneft. En 2019, des mercenaires du groupe Wagner auraient été déployés pour sécuriser le régime Maduro, tandis que Caracas accueillait des exercices conjoints avec des avions de combat russes dans les Caraïbes.
Washington face à un nouveau monde multipolaire
Pour Washington, ce basculement géopolitique est inacceptable. En 2015, Barack Obama qualifiait le Venezuela de "menace inhabituelle et extraordinaire" pour la sécurité nationale américaine, ouvrant la voie à des sanctions de plus en plus sévères visant à asphyxier les revenus du régime.
Aujourd'hui, Donald Trump ordonne le blocus de tous les pétroliers vénézuéliens, mais Caracas assure que ses exportations continuent "normalement" grâce à ses partenaires chinois et russes.
En 25 ans, le Venezuela est passé du statut de fournisseur clé des raffineries américaines à celui de symbole de résistance anti-impérialiste, illustrant parfaitement les mutations géopolitiques d'un monde en voie de multipolarisation. Une leçon précieuse pour l'Afrique et les nations du Sud Global dans leur quête d'indépendance économique et politique.